This one is in french. If someone is interested in contributing a translation it would be delightful.
Je me suis cassé le poignet. Une vilaine chute en snowboard. Plâtré là-bas, en France:
- Fracture du Cubitus. Radio de contrôle et nouveau plâtre dans 7 à 10 jours, de retour chez vous, me dit-on. Prenez rendez-vous rapidement, les hopitaux sont souvent débordés.
[Aussitôt de retour en Belgique, lundi matin]
- Oui allo?
- Bonjour, je me suis cassé le poignet au ski et,
- Ah ah... attendez voir. Je regarde l'agenda. Une radio et un rendez-vous en orthopédie. Oh là là... [semblant légèrement contrariée] je n'ai plus vraiment de place avant jeudi ou vendredi, Monsieur.
- C'est qu'on m'a plâtré jeudi. Ca fera donc 7 ou 8 jours. Le médecin disait 7 à 10 jours. Ca me parait justement bien à moi.
- Ah. Vendredi 10h55?
- Parfait! Je note,...
- Au revoir.
[Vendredi 10h15, Accueil général de la clinique]
- Bonjour, je me suis cassé le poignet au ski et,
- Radiographie, au -1, puis à gauche. L'ascenseur est sur votre droite, là-bas.
- C'est-à-dire, j'ai un rendez-vous à 10h55, pris par téléphone, mais je ne sais pas trop dans quel service. On m'a parlé et d'une radio et d'orthopédie. Savez-vous,
- Ah, dans ce cas, rendez-vous à l'accueil de l'aîle sur votre droite, ils pourront vous renseigner.
[Vendredi 10h18, Accueil de l'aîle sur ma droite. Ticket 423. 10h27. Ding. 423? guichet 8!]
- Bonjour, je me suis cassé le poignet au ski et,
- Votre nom, Monsieur.
- Bernard Lambeau
- [m'ayant trouvé sur sa feuille] Rue Florimond?
- Ah non, j'ai changé d'adresse depuis belle lurette, j'habite
- Carte d'identité svp, je vais mettre votre adresse à jour.
[...]
- Votre médecin traîtant, c'est toujours Mr X à Wavre?
- Heu, ... [J'avoue aller plus que rarement chez le médecin. Wavre, c'est le médecin de ma jeunesse on va dire, chez mes parents. J'ai vu un médecin une fois ou deux du temps où j'habitais sur Namur. Comme ça, là, je ne reviens pas sur son nom. De plus, j'ai récemment déménagé sur Sombreffe et je vais probablement chercher quelqu'un là-bas... Le plâtre que j'ai, c'est un médecin français qui s'en est chargé. "Est-ce important?" me semble un peu déplacé comme question...] Oui.
[...]
- Orthopédie, au -1, à droite. Salle d'attente B.
[Je reçois un papier sur lequel sont incrites deux puces: *) rendez-vous directement en radiothérapie. *) présentez-vous au -1, salle d'attente A, B, C. Le 'B' semble entouré.]
- Au revoir, Ding.
[Je décide d'aller attendre au -1, en salle d'attente B, 'traumatologie'.]
[Vendredi 10h55, quasi pile.]
- Monsieur Lambeau? [Je me lève]. Vous pouvez me suivre en Chambre 2.
- Je suis l'infirmière, je vais enlever votre plâtre. Vous avez une radio?
- Oui, mais d'il y a une semaine. Je me suis cassé le poignet au ski, en France.
- Ha, seulement une semaine. Avant d'enlever votre plâtre, je vais alors demander au médecin de passer vous voir... Je reviens.
[Plus tard. Toujours en Chambre 2.]
- Bonjour Monsieur, Doctor Y.
- Bonjour Docteur. Je me suis cassé le poignet au ski et,
- On vous a fait une radio là-bas? Vous l'avez avec vous?
- Oui, voici... [en fait y en a deux, je lui tends déjà la première que j'arrive à attraper (de ma main gauche) dans l'enveloppe]
- Ah oui, je vois. Petite fracture de [j'ai oublié le terme, pas Cubitus].
- Amusant tiens, le médecin là-bas ne voyait rien sur la radio que vous avez en main. Il a fallu qu'il fasse celle-ci [lui tendant l'autre], et
- Oui oui [regardant rapidement l'autre radio, sans changer de conclusion]. L'infirmière va enlever votre plâtre, et vous irez faire une radio. On se revoit tout-à-l'heure.
[Assez bien plus tard. Salle d'attente de radio, après passage à l'accueil et pas mal de patients avant moi.]
- Monsieur Lambeau? Suivez-moi en cabine 5.
- Bonjour. On m'envoie d'orthopédie, et
- Posez le bras là, face vers le bas.
[radio]
- ok maintenant, on tourne dans le sens horloger pour le profil.
[radio]
- Parfait, merci.
[au suivant...]
[ce double cliché-ci, si ma mémoire est bonne, correspond aux radios sur lesquelles le médecin là-bas, en France, n'avait rien vu.]
[Retour en Orthopédie, Chambre 2, avec l'infirmière]
- Je vais donc vous refaire un plâtre, posez votre bras là. Le médecin viendra vous expliquer cela dans quelques minutes.
[Elle m'invite à me laver le bras à l'évier. Arrivée du médecin à ce moment...]
- Donc, sur votre radio [qu'il n'a pas prise avec], on voit bien ici [me montrant en pressant légèrement sur mon poignet, à gauche] ...
- Je dois dire, docteur, que j'ai plutôt mal de l'autre côté.
[s'en suit un rapide palpage dubitatif du poignet. Le mal est moins localisé qu'il y a une semaine. Ca fait mal plutôt à droite, seulement si j'essaie de tourner le poignet dans le sens anti-horloger]
- Petite fracture quoi qu'il en soit. On va refaire un plâtre, gardez-le trois semaines. [il s'en va].
[L'infirmière refait un plâtre, on discute.]
- [...] Je suis chercheur en informatique. Figurez-vous que je travaille en fait sur un projet de recherche qui s'intéresse aux itinéraires cliniques, ...
- Ah oui?
- On cherche par exemple à savoir dans quelle mesure l'informatique et ses techniques et outils peuvent aider à mieux comprendre le trajet du patient au sein de l'hopital.
[le plâtre est terminé, je me lève et reprends mes affaires]
En tout cas, chez vous, on peut dire que ça tourne comme sur des roulettes. A chaque étage, on sait qui je suis, pourquoi je suis là et on va droit à l'objectif. Pour avoir vu d'autres hopitaux, je peux vous dire que ce n'est pas le cas partout.
- Ah oui, c'est sans doute parce qu'on est une nouvelle aîle; fraîchement rénovée. Ou alors c'est juste nous ;-)
- Oh oui, c'est sûrement vous ;-) L'informatique à l'air de suivre quoi qu'il en soit. [à la porte, sur le point de sortir]. Ah, dites, juste une question. Je garde donc le plâtre trois semaines, et puis? Je dois reprendre rendez-vous ici? C'est que vous voyez,... comme patient, parfois, on est pas toujours bien sûr de comprendre et de savoir ce qu'on doit faire...
- Oui oui hein, n'oubliez pas. Repassez à l'accueil et demandez un rendez-vous pour dans trois semaines environ.
- Parfait, merci! A dans trois semaines alors, bonne après-midi!
En développement informatique, un mouvement est né il y a maintenant dix ans, appelé le "développement agile", en réponse à des processus de développement considérés trop rigides. Dans son manifeste, on peut lire (je préfère garder la version en anglais ici):
[we have come to value] Individuals and interactions over processes and tools
A ce stade, je vous invite à relire mon histoire avec cette distinction en tête. La question n'est pas de savoir si mes questions et mes doutes sont légitimes, mais de s'intéroger: dans quelle mesure faut-il se fier au processus et à ses outils? dans quelle mesure faut-il préférer les individus et leurs interactions?
Des processus trop rigides, il y en a. En informatique, mais aussi... dans les hopitaux, à la poste, à la SNCB, chez Electrabel et chez Belgacom, pour ne citer qu'eux. De manière ironique, c'est justement l'outil informatique qui tend à rendre les processus rigides. Comme nous l'avons découvert en notre sein, informaticiens, il nous faut maintenant le faire partager aux autres domaines qu'on se targue d'aider. Pour que là aussi, nous puissions un jour dire:
While there is value in processes and tools, we value individuals and interactions more.
Pourquoi doit-il en être comme cela, après tout? Simplement, parce que les processus et les outils sont opérationnels (le comment) et qu'ils sont vides et resteront à jamais vide d'une substance bien plus riche qu'on dit intentionnelle (le pourquoi). Le meilleur processus, le plus rapide, le plus efficace et le moins coûteux (disons un call-center délocalisé à l'autre bout du monde) restera inflexible et bête s'il n'est accompagné d'agents qui en connaissent ses raisons et peuvent l'adapter voire le contourner au besoin. L'informatique, en particulier, est inflexible et bête. Puissent certains décideurs ne pas l'apprendre à nos dépens.